Francesco Totti, l’éternel Capitaine

 

Le Pape vous bénit

Le Pape vous bénit

 

Dans une société où le métro est jonché d’affiches pour des sites de rencontres extraconjugaux, certains savent encore ce qu’est l’amour véritable, la fidélité. La fidélité, c’est un concept difficile à encadrer pour l’homme, qui s’est tellement battu pour être libre, qu’il a du mal à avaler qu’on le coince avec une femme pour le reste de sa vie sachant toutes les merveilles dont regorge la planète. « Jusqu’à ce que la mort vous sépare », « jurer fidélité », certains ont subitement des accès de surdité lorsque le maire prononce ces deux phrases clés. Le football n’est pas étranger à ce mouvement de libertinage : quand on voit des joueurs comme Ibrahimovic (dont on ne conteste pas le talent) changer de club tous les 2 ans, on se dit que la fidélité, les mecs n’en ont vraiment rien à cirer. Trouver des mecs qui ont prêtés serment à un seul écusson, aujourd’hui, c’est difficile.

Toutefois, dans la ville de Rome, vestige d’un glorieux passé, musée à ciel ouvert, et véritable souvenir d’un empire déchu, il existe un homme qui a décidé d’aimer un seul blason toute sa vie, blason qui va faire de lui une légende vivante, un saint parmi les hommes, et, de circonstances vu la ville des faits, un homme de Dieu. Cet homme, c’est Francesco Totti, l’éternel capitaine.

 

Le petit chef

 

La première page de la vie du petit Francesco s’écrit le 27 septembre 1976 dans le sud de Rome. Dans cette ville profondément marquée par les traces de l’empire Romain et surtout, par la religion catholique, nait celui qui quelques années plus tard sera considéré comme la réincarnation du Christ sur le pré. Romain de pure souche, le petit François commence à taquiner le cuir à 10 ans, avant d’être rapidement repéré par les recruteurs de la Roma, Spinosi en chef de file, qui ramène la poule aux œuf d’or chez lui et lui donne son premier maillot giallorossi. Un maillot qui s’agrandira, mais qui ne changera jamais. Les débuts en 1993, à 17 ans, puis la passation de pouvoir d’Aldair en 1998. Alors qu’il faisait partie de l’armée Romaine en tant que meilleur lieutenant, Francesco se voit offrir le leadership des troupes, et quoi de plus normal pour l’enfant du pays. Outre son talent sans limite, Francesco Totti représente tout ce que les Romains ont toujours été : un symbole de puissance et d’éternité, coincé entre le populisme du sud de l’Italie et la puissance économique du Nord, une ville symbolisée par le courage, une ville de dignité. Totti est Rome et Rome est Totti. Francesco représente cette ville qui vit sans se soucier de ce qui l’entoure, une ville si imposante qu’elle se suffirait à elle même. Et caractérisé par cet accent et ce franc parler typiquement Romain, Totti accumulera également les gaffes en tout genre à cause de son accent, sa prononciation ou sa grammaire. Un mauvais joueur se serait énervé, un bon joueur en aurait ri, Totti lui a compilé ses pires gaffes et en a fait un livre, dont les fonds ont été versés aux aides sociales de la ville de Rome. Francesco n’est pas seulement le capitaine de l’AS Roma, il est « il capitano di Roma »

 

Il grande capitano

 

Le nouveau millénaire débute et Francesco a pris les meilleures résolutions. Malgré les appels de pied des meilleurs clubs du continent, Totti ne cligne pas des yeux au moment de refuser poliment. Jouant alors son meilleur football, le numéro 10 de la Louve, va monter au sommet de l’Italie lors de la saison 2001 et glaner son premier et seul Scudetto, symbole alors de la toute puissance de Totti en Italie. Ce même Totti qui se fait tatouer pour l’occasion… un gladiateur romain. La coupe du Monde 2002 ne fait qu’accentuer l’intérêt des grands clubs européens. A l’instar d’un couple en difficulté, Francesco a alors des problèmes internes avec les dirigeants Romain, et menace de quitter la ville. Le tremblement de terre est ressenti aux quatre coins de Rome. Il avait d’ailleurs dit oui au Real de Madrid, trop déçu par l’attitude des dirigeants de sa ville, comme ce mari qui après une incessante lutte intérieure, commence à se diriger vers le Strip club du centre ville.

Cette boite de Strip-Tease, Totti n’en verra jamais la porte d’entrée, car après des dizaines de discussions et des problèmes réglés, il annonce qu’il reste finalement dans sa ville natale. Perdre un capitaine, c’est ennuyeux, surtout quand il a l’aura de Francesco Totti, mais perdre un joueur de son niveau, c’est encore plus embêtant. A cette époque là, Totti marche sur l’eau, comme celui qui, 2000 ans auparavant, allait transformer sans le savoir (Sans le savoir ? C’était JESUS MEC !)  la ville de Rome à tout jamais. Rapidité, vision, puissance, technique, Totti possède toute la panoplie du milieu offensif parfait. Ce qui impressionne, c’est cette force, cette envie sur chaque ballon, et la finesse de son toucher de balle mélangé à une hargne communicative font du capitaine de la Roma un des meilleurs joueurs de football italien de tous les temps. La finesse justement, Totti en a fait sa marque de fabrique : en italien on appelle ça « il cucchiao di Totti », cela signifie la louche, la cuillère, et ces petites frappes piquées ou louchées. Le Capitaine en a mis des dizaines, de loin, de près, il a nettoyé les lucarnes de chaque terrain Italien. Son coté serviteur, qui contraste avec la royauté de son jeu. Malgré le vide dans sa salle des trophées avec la Roma, Totti a saigné depuis un bon moment les classements de meilleurs buteurs en Italie : avec 230 buts en 542 matchs, Francesco est le deuxième meilleur buteur de l’histoire de la Serie A, et le premier quand il s’agit d’avoir scorer qu’avec une seule équipe. Costaud Maximus.

Une question est toutefois inévitable : Totti, la Roma, c’est beau, mais Totti, autre part, ça aurait donné quoi ? Totti au Real Madrid à l’époque des Galactiques, ça aurait surement donné une machine de guerre dotée d’une bonne cinquantaine de missiles nucléaires. Mais Francesco n’a pas flanché, il entame aujourd’hui sa 20ème saison avec le club de sa ville natale et finalement, malgré toutes les propositions qu’il a pu recevoir dans sa vie, le Capitaine a choisi de rester fidèle. Et si le football, c’était simple comme un cœur ?

 

Totti, un gladiateur avec un cœur ?

 

Il faut bien entendu rappeler que malgré une carrière pas toujours glorieuse avec la Louve, Totti est champion du Monde avec l’Italie en 2006, se fendant du titre de meilleur passeur de la compétition et d’une place dans l’équipe Type. Costaud pour un mec que l’on disait déjà fini à l’époque. Aujourd’hui on en est en 2013 et aujourd’hui, Totti, c’est 685 matchs, et 285 buts toutes compétitions confondues avec la Roma, un Scudetto et quelques coupes nationales. Aujourd’hui Totti dans les chiffres, c’est ça. C’est peu, très peu de trophées pour un joueur de son talent, mais est ce vraiment là le plus important ? Pas si on prend le football, au-delà d’un sport, comme l’expression d’une ville ou d’un peuple.

Totti est adulé par la ville de Rome, on soupçonne même le nouveau Pape de lui avoir rendu hommage en choisissant le prénom François. Bref vous l’aurez compris, le boss à Rome, le seul chef, c’est lui. Il capitano. Alors oui, Totti n’est pas forcément celui que vous voulez avoir à vos cotés quand vous faites vos choix d’université pour après le bac. Peut-être effrayé par le changement, peut-être trop fidèle aux supporters, peut-être tout simplement trop bien dans sa Roma natale, Francesco n’a jamais voulu partir. Mais dans l’arène, quand vous sentez le soleil qui brule votre cou, l’odeur du sable chaud qui se dérobe sous vos pieds, le grognement des lions dans leurs cages prêt à faire de vous un énorme festin, le seul visage que vous voulez voir sous le casque de celui qui est devant vous, c’est celui de Totti.

L’amour éternel, c’est probablement le plus dur des combats. Une lutte incessante, et pas forcément pavée de trophée. Car personne ne va vous féliciter d’être resté fidèle, quand on s’engage c’est ce que l’on attend de vous. Totti, c’est l’histoire du troisième bébé, l’histoire de l’enfant oublié, celui que la louve a récupéré en même temps que Remus et Romulus. Et si ces derniers étaient voués à fonder la ville de Rome, il est évident que Francesco Totti est voué à lui assurer un avenir radieux.

 

Dani M.

 

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